-----CHRONIQUES
TOUS
AZIMUTS-----
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Bonjour à tous !
En cette fête des lumières, laissez-vous porter par cette chronique d'automne et oubliez l'air du temps par trop vicié de l'actualité
Au tournant de saison, ce voyage, une échappée, belle. Un exutoire pour vieux combattant du temps qui s’égrène et qui donne un goût de liberté singulier au coin des lèvres, une sorte d’acidité que l’on happe d’un mouvement gourmand de la langue. Comme le lézard paresseux se délecte d’un butin qu'il saisit sur l’instant, je goûte à mon automne qui me chante ; va, va, rien de plus régénérant que de sillonner l’inconnu, airs agrestes, sous-bois, plantes qui après leur vie offrent au passant des odeurs mélancoliques que l’on hume comme pour se revitaliser le corps et l’esprit.
Ce changement de septembre, j’y pense, a tout raison d’être. Sous ses airs champêtres, j’aime aller flairer, m’enivrer de ses parfums, odeurs de fin… naissantes.
L’esprit vagabonde. Il me vient l’envie de répondre à ce sourire qui s’esquisse, se lit sur ton visage qu’un soleil d’automne illumine d’un rai ambre et diaphane tes vingt printemps qui sont toujours à jamais dans mes yeux.
Plus sombre, mon passé s’invite en un spleen. Je suis toujours resté jeune dans ma tête, pourtant élevé dans mes jeunes années de telle sorte pour me trouver très tôt autant physiquement que moralement face à des responsabilités… d’homme. Rien à en dire jusque-là, bien des jeunes gens passent par ce terrible raccourci. En tirer des enseignements n’est déjà pas si mal.
Ce retour à l’esprit d’une époque, à ce jeune homme qui se cherchait dans un monde au sortir d’une guerre si avilissante pour l’être que l’on nomme humain, n’est jamais facile. Entre ordre et désordre, notre jeunesse rebelle voulait sa place, à cela rien de nouveau me direz-vous.
L’automne, par nature, est toujours un bon moment pour faire le point, tirer des traits, faire table rase.
Octobre étale désormais son camaïeu cuivré, se veut l’automne de toutes les déclinaisons qui se dessinent sous mes yeux. Les feuilles jaunies, orangées et rousses se séparent de leur branche et s’éparpillent à tout vent avant de finir leur vie sur terre à nouveau en terre, où l’éternelle résurrection les attend.
Foutue, poésie des mots, qu’en faire ? Que faire de ce moment intime à se parler à soi-même, à regarder se dérouler le fil d’une vie sous un soleil voilé dont les rayons se transforment en halos fascinants.
Dois-je laisser aller mon spleen jusqu’à dire que j’attendais sa venue. C’est un rituel, comme programmé. Je l’accueille comme un ami, celui que mon âme suit depuis mes années Teen – Âge, de Pierre ça va de soi ! Ah, si seulement je pouvais comme la nature m’endormir et me restituer comme un sou neuf au printemps … du premier cri.
Rien n’est certain, rien n’est joué d’avance lorsque « novembre » sonne le glas du soldat, du troubadour, de l’ami parti trop vite, vous laissant à votre mélancolie et à son cousin tristesse. Quand le vent soufflera, chante le poète, alors décembre et ses frimas seront bien là, au milieu des feuilles qui batifolent, dernier combat d’une nature qui se voue au silence. Hiberner à l’instar de l’ours dans sa caverne s’endormir pour une nuit australe, non, non, ce n’est pas moi de dormir tout l’hiver, j’ai trop à ruminer et à dire en saison dite morte.
La fête des Lumières n’est plus très loin. Se laisser prendre par ses franges continues de lumignons aux rebords des fenêtres et à ces chorégraphies insolites et étranges qui courent sur les façades et les eaux sombres du Rhône et celle de sa sœur, la Saône.
Pour cette soirée de « décembre », il est temps de prendre tranquillement place dans un bistro et de goûter au verre de vin chaud que vous me tendez, tout juste sorti de ce chaudron fumant qui mijote en terrasse et d’où émane des arômes du vin rehaussé de cannelle et de clous de girofle dont l’odeur à elle seule enivre. M’empêchera-t-il d’éternuer ? Surement pas, mais voilà, lorsqu’il pénètre votre gorge, le bien que procure ce breuvage, grog populaire s’il en est, est indescriptible. J’aime me détendre en écoutant les brèves de comptoir qui fusent et qui brassent une population en moins de temps qu’il n’en faut pour créer une convivialité, qui elle aussi réchauffe …l’esprit.
Entrer dans son film intérieur, il suffit de laisser tourner la manivelle du projecteur pour libérer ses pensées qui comme par magie se transforment en images. Une entrée au ciné entièrement gratuite. Ainsi apparaissent tour à tour portraits et lieux au gré de l’envie du moment. Chaque cliché est un coin de mémoire qui s’anime, un lumignon qui s’allume à la façon d’un cinématographe de Louis et Antoine qui nous délivre ses souvenirs précieux.
Une fois la passerelle Saint-Vincent traversée, enquillez-vous dans l’étroite rue du Dr. Augros aussi appelée, on ne sait pourquoi, la rue de l’Ours. Vous déboucherez alors sur la place Saint-Paul face à la gare du même nom. Le Sain Bel, un bistro du quartier est à deux pas. Un bon vin chaud vous y attend. L’atmosphère du vieux Lyon en ce soir du 8 décembre fera le reste à merveille.
Un dernier mot, pour ainsi dire le fin mot de l’année : « vivement le printemps !
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Dundee, suivez -moi c'est au Nord !
Laissez-moi vous parler un peu de Dundee, ma ville natale. Quelques repères historiques et topographiques ainsi que des anecdotes sur ma jeunesse dans cette cité portuaire si véritablement écossaise vous imprègneront de l’atmosphère et de la culture particulière de cette contrée située sur la côte Est de l'Ecosse, entre Aberdeen et Édimbourg.
La rivière Tay en sillonnant à travers les Highlands d ’Écosse (les Hautes Terres) depuis les monts Grampians se transforment en un « loch » (lac) et poursuit sa course à travers les Glens (vallées) pour achever son parcours à Perth situé sur l’embouchure d’un large estuaire qui s’ouvre sur la mer du Nord et où elle reçoit alors le joli nom de « Silvery Tay » (Tay argenté ), ainsi nommé par les habitants des deux rives et qui à pour origine la lumière particulière qui règne sur la côte à cet endroit lorsque par gros temps le soleil projette ses rayons à travers les épaisses volutes de nuages et les strates grises amassées entre terre et mer et qui par des jeux de prismes subtils, aussi fascinants qu’énigmatiques, forme un drap argenté frémissant sur les eaux sombres de la mer.
Pour voir et jouir de ce spectacle peu commun il faut se rendre de préférence sur la colline nommée « Law Hill », un ancien culot volcanique éteint, situé sur la rive nord du Tay et qui domine totalement l’estuaire et autour duquel s’est dressée la ville portuaire de Dundee.
Au-delà de la ville au Nord se trouve une barrière naturelle de collines sauvages appelée les monts Sidlaws et qui protège Dundee des vents froids soufflants du Nord et des pluies plus rares que dans d’autres régions, soi-disant grâce à cela ! Les Sidlaws étaient autrefois réputés difficiles d’accès et un repère pour les brigands, fuyards, et les nomades.
L’anglais est la langue officielle depuis deux siècles en Écosse. Cependant les dialectes sont encore bien vivaces et largement répandus parmi la population du pays. Dundee n’y échappe pas et cultive même sa différence. La ville est connue pour son « broad scotch » qui emprunte des mots, des expressions et des noms aux langues d’origines : Scots (Scotland) gaélique irlandais et le gaélique écossais (celtique) ainsi que des termes et prononciations dérivés des anciennes langues Scandinaves et Saxonnes. A l'instar des pêcheurs de la mer du Nord, Écossais et Scandinaves se sont pour ainsi dire confectionné leur propre jargon, une sorte de fusion hétéroclite de mots, autour des termes de métier et d'échanges sur le temps en mer, sans cesse repris et échangés entre eux et qui au fil du temps a donné un dialecte, commun et familier à tous les marins du Nord.
Le tout s’apparente à un brassage ancestral auquel, vous l’aurez compris, est venu s’ajouter l’anglais propre et argotique, d’hier et d’aujourd’hui.
Dundee, Dun Deagh en langue celte signifie Fort sur le Tay.
Des anciennes fortifications de la ville il ne subsiste plus de trace, si ce n’est un fragment d’arche nommé «The Wichart’s Arch » jalousement soiné et gardé par les conservateurs culturels.
La ville souvent envahie et plusieurs fois détruite durant les siècles de guerres civiles et par l’envahisseur anglais fut encore au trois quarts détruite en 1651 par les troupes anglaises emmenées par le général Monck venu écraser les rebelles qui refusaient de se soumettre à l’autorité de Cromwell devenu chef suprême «Lord Protectorat of the Commonwealth » une forme de République qu’il instaura à la fin de la guerre civile anglaise après qu'il se soit débarrassé du Roi Charles 1er d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande en le faisant décapiter.
L’ancien culot volcanique qui domine la cité s’appelle familièrement «The Law» qui signifie Colline en langage ancien. Lorsque j’étais jeune, je confondais ce nom avec le terme anglais « Law » qui signifie Justice, je faisais d’autant plus facilement cette erreur que les magistrats de la ville y tenaient au temps jadis conseils et dans certaines occasions venaient solennellement y prêter serment.
Descendons ses pentes et empruntons le Wellgate pour rejoindre le Murraygate au coeur de la ville et la Vieille Tour. Tout près de là se trouvait à une époque la grande place du marché « the Market Cross », situé à la croisée des grandes voies d’accès de la ville appelée “Gates” : le Nethergate et le Overgate à l’Ouest, prolongeait à l’Est par le Murraygate et le Cowgate se coupant en deux vers le Wellgate au Nord et vers le Tay au Sud par le Seagate.
Le Market Cross était le lieu des marchés et des marchands et où siégeait l’autorité, le Prévôt, dans le «Tollbooth » ancêtre de l’hôtel de ville et qui servait tout à la fois de salle de délibération pour les magistrats et les conseillers, d’office de douane et de péage et accessoirement de prison, la police ayant aussi domicile en ces lieux. À l’extrémité opposée de la grande place était érrigé le "Market Cross" lui – même, sorte de tour de pierre d’environ deux mètres de hauteur d’où s’élevait en son centre un mât de pierre sculptée surmonté de la statue de la Licorne, animal mythique devenu l’emblème traditionnel de l’Ecosse. Un escalier intérieur menait vers un parapet. C’est du haut de ce perchoir que les magistrats de la ville appelaient au rassemblement des habitants pour leur annoncer les mesures prises par le conseil ou par le Prévôt lui-même et faire toutes proclamations officielles. C’était aussi au bas du Market cross qu’était amenés les condamnés au " Pilori ", avant exécution de leur peine.
Il reste de ces temps lointains une haute tour carrée, sorte de beffroi appelé le « The Auld Steeple» (la Vieille Tour) et le très ancien cimetière appelé « The Howf » prononcée « Houff » au centre de la ville qui renferme des tombes vieilles de plus de mille ans. Le plus court chemin pour accéder à la bibliothèque municipale passe par l’allée centrale du cimetière. Lorsque j’étais gamin, le traverser me procurait toujours quelques frissons à la vue des pierres tombales parées de têtes de morts et d’ossements entrecroisés à la manière des drapeaux des pirates de mer. À l’époque de la sorcellerie une stèle réputée être la pierre des sorcières tenait lieu de rassemblement aux adeptes de spiritisme et messes incultes. Les Confrèries de métiers y tenaient aussi messe basse.
Un long passé maritime jalonne l’histoire de la cité. La pêche bien sûr, et en son temps, la chasse à la baleine en était témoin. La présence du navire-musée Discovery, construit par les chantiers navals de Dundee et à bord duquel Robert F. Scott le célèbre explorateur sillonna les mers australes à la découverte du pôle Sud est un hommage à cette époque glorieuse de la ville. Il me revient en mémoire des images de mon enfance ces bateaux du bout du monde portant fièrement sur leurs flancs les noms de leur pays d’origine et qui amenaient et ramenaient dans leurs soutes, outre des denrées industrielles ordinaires, l’exotisme des terres lointaines: les épices des Inde et d’ Arabie, les fruits d’Europe, d’Afrique et bien entendu des quantités astronomiques de thé de Chine , de Ceylan et de Bornéo. L’étrangeté des hiéroglyphes inscrits sur les caisses de bois et les sacs de jute et de lin qui contenaient ces marchandises jonchées sur les quais ajoutaient au mystère de leurs provenances.
Je ne peux manquer de vous raconter l’histoire qui remonte aux dix huitièmes siècles de ce bateau espagnol en provenance de Séville avec une cargaison d’orange qui par forte tempête et perdu en mer du Nord trouva par chance refuge dans le port de Dundee. Le navire resta bloqué à quai des jours durant. Un marchand du nom de James Keiller profita de l’occasion et acheta à bas prix toute la cargaison d’oranges, mais il s’aperçut après coup que les fruits s’abimaient très vite et étaient par conséquent invendables à sa clientèle. C’est alors que sa femme Janet, pour ne rien laisser perdre de cette précieuse marchandise eu l’idée d’en faire une marmelade d’orange amère à laquelle elle incorpora l’écorce coupée en lamelles, ce qui lui conféra ce goût si particulier qui eu le succès immédiat que l’on connait. Ce même bateau espagnol revint régulièrement à Dundee pour livrer la maison Keiller qui devint grâce à sa marmelade d’orange la première usine de fabrication de confiture au monde, son succès ne s’est jamais démenti depuis.
Autour de Dundee et dans les contrées avoisinantes s’étendent des champs de lin dont la fleur bleue produit la célèbre huile et dont la tige miracle contient la fibre qui une fois nettoyer et filées est destinée au tissage de draps, de toiles et à la confection de vêtements. Depuis toujours la ville était connue pour être celle des tisserands des «Weavers », dont de nombreuses chansons traditionnelles content les exploits et les déboires. En somme, la vie de « Canut écossais » avec la même souffrance au métier et les mêmes injustices. La raideur des pentes de la ville n’ont d’ailleurs rien à envier à celles de la Croix Rousse à Lyon , la montée de la Grande Côte pourrait se mesurer au «Hilltown » prononcé «Hulltoon », une montée tout aussi emblématique et vertigineuse de Dundee qui part depuis le haut de l’une des collines et abouti aux marches du Wellgate qui conduit ensuite au coeur de la ville, vers les docks, le port maritime et les chantiers navals.
Durant mon enfance et une partie de mon adolescence, j’habitais sur les hauteurs de la ville dans la rue Élisabeth située non loin du Hilltown, à peu près à mi-hauteur de cette longue côte. Bien sûr descendre au centre-ville n’était pas un problème, sauf lorsque la pente était verglacée ! Plus difficile était le chemin du retour. Mais là intervenaient l’art et la manière de remonter sans trop peiner. Le sport favori de tout enfant de Dundee de mon époque était de guetter un véhicule suffisamment lent ( de préférence un camion ou une remorque ) qui s’engageait sur la pente, et là, intervenait “l’art et la manière” de s’accrocher derrière sans être vu! Un remonte-pente en somme! À ce sport j’étais effectivement loin d’être le dernier, aux dires de ma mère, qui elle aussi, s’y était adonnée dans sa jeunesse !
Un mot, si j’ose dire, sur l’édition qui est une institution à Dundee et plus généralement sur les journaux, BD et magazines qui font la réputation de la ville grâce à DC Thomson & C° qui fonda la maison en 1905 et qui est toujours de nos jours un acteur économique majeur de la cité.
Je pourrais vous parler encore des heures durant de « meh hame toon », mon Dundee, mais à un moment donné j’aurais surement soif et serais tenté de vous entrainer avec moi dans un des nombreux pubs « cosy » dont la ville a le secret, mais c’est peut être bien ce que vous attendez after all ! Well, cheers to you my friends !
L'errance des sensations
Faute d’avoir une vision complète de l’univers, on se contente d’en ramener un morceau à la surface en voulant que le fragment en question contienne l'intégralité de sa propre perception. Vouloir que le fragment soit à la fois une représentation globale et dans le même temps toute personnelle du monde, alors que l’on est dépourvu de l'image complète de celui-ci, n’est-ce pas une tare de l’esprit humain ? La manie ou la tendance à globaliser, peut-elle être une peur, un besoin, une justification, une satisfaction ? Si elle est une peur, serait-elle de connaître des vérités autres que celle que l’on a pu échafauder seul dans son coin d’univers ? Si elle est un besoin, serait-ce le besoin du fœtus à tout confiner dans sa bulle maternelle pour échapper à la brutalité du dehors. Si elle est justification, serait- elle une réponse au doute qui ronge celui qui ne sait. Si elle est satisfaction, serait-elle crédulité, aveuglément éclairée ? Des milliards d’êtres partagent-ils la même errance de sensations ? Ou bien est-ce simplement une vue de l’esprit qui décrète que le partage est une chose acquise à la naissance des sens et tout serait dans la manière de tirer au mieux la couverture à soi.
Une sorte de préméditation génétique.
Le procès de Rimbaud -Verlaine revisité
" L'homme aux semelles de vent "
Une chambre d'hôtel non loin de la gare de Bruxelles. Un homme fortement alcoolisé, s'agite, trépigne, implore un autre homme présent dans la pièce. Tout à coup, il ferme la porte et coince celle-ci avec une chaise. Les discussions violentes reprennent jusqu'au paroxysme entre les deux individus. L'homme saoul brandit tout à coup une arme et tire deux coups de feu sur l'autre. Une balle part dans le plancher tandis que l'autre le blesse à l'avant- bras gauche. C'était le 10 juillet 1873. La victime s'appelait Arthur Rimbaud et son agresseur Paul Verlaine.
"J’appelle de mes vœux une révision du procès de Verlaine. À la lumière des faits, elle me parait essentielle, obligatoire même ".
Ainsi commença mon article de jeune chroniqueur culturel au journal Le Figaro.
Mon nouveau patron m'avait envoyé à Bruxelles où se tenait le procès, afin de me tester, avait-il précisé. Il souhaitait, me dit-il, un regard neuf sur cette affaire qui avait embrasé le monde littéraire français et ébranlé les âmes bien pensantes qui découvraient abasourdies les mœurs dissolues des deux écrivains.
Autant vous le dire tout de suite, n'étant pas magistrat et encore moins policier, ce que je savais de ces deux personnages émanait des témoignages qu'il m'avait été donné de draguer dans les cénacles littéraires parisiens, le cercle des poètes Zutiques, le fameux café du Rat Mort et le cabaret Pellorier, fréquentés par les écrivains et artistes en vogue.
Tout comme Rimbaud, j'aimais, la poésie à laquelle je me consacrais épisodiquement pour le plaisir, très modestement s'entend.Et tout comme Rimbaud aimait Verlaine et ses vers, j’aimais également les poèmes de ces deux poètes hors du commun.
Sans aller à l'excès, ce que j’aimais chez ces deux libertaires était justement ce qui les opposait et les rapprochait tout à la fois, une attirance et une osmose très forte entre les deux hommes, qui enrichissait leur poésie respective après chacune de leur confrontation, ô combien mouvementée.
Deux profils très singuliers jugez-en.
L’un, Verlaine, classique au sens traditionnel du terme, tiraillé entre marginalité et velléités bourgeoises. Son esprit en proie à de perpétuels conflits était victime de ses propres démons, habité par d’improbables ententes entre des pôles rivaux; rêve et action, exaltation et chaos, chair et raison, mysticité et volupté. Cet amalgame le mènera par lâcheté physique et intellectuelle, jusqu’aux tréfonds, à en délaisser même jusqu'à son propre foyer.
L’autre, Rimbaud, de 10 ans son cadet, subit une éducation catholique plus que stricte à défaut d’être élevé par un père militaire qui abandonna sa famille. Doué pour la littérature dés son plus jeune âge, il se forgea très tôt une maturité intellectuelle. Aimant sortir à tous moments des sentiers battus, sans foi ni loi, sinon celle de se déchirer de l’intérieur, de se brûler les ailes à tous les feux.
Il était à seize ans un être tout à la fois anarchiste, violent, provocateur, il bafouait tout ce qui touchait aux institutions, se mesurait à tous et ne ménageait personne. On le disait maussade et hargneux, mais d'une poésie admirable.
Leur rencontre déclencha ce cataclysme insensé que fut leur liaison.
Comme deux aimants, leurs talents poétiques se charmèrent tout de suite et furent sublimés par la passion qui naquit entre les deux écrivains. Une passion qui ne les quittait jamais, créant ainsi autant de raison de s’opposer que de s’enflammer pour leurs opinions et leurs écrits respectifs, poursuivant leurs idéaux éphémères en discussions sans fin. Exacerbées surtout par des nuits de débauche et d’alcool qui finissaient par leur faire perdre la raison ; à se battre, à en venir même aux coups de couteau, leur liaison était un délire infernal voué aux actes de folies et à l’échec. Une sorte d’autodestruction les animait, sans qu’ils aient le pouvoir de la contrôler ou même d'aller contre.
Attirés sans cesse l’un par l’autre, se repoussant aussi par besoin de liberté ; Verlaine éprouvant tout à coup la nécessité impérieuse de reprendre une vie conjugale brisée par sa faute. Rimbaud quant à lui exprimait fougueusement celui d'échapper au quotidien qui l'entourait, d’assouvir son rêve, celui de voyager et de connaitre le monde extérieur.
On peut se demander dans ces conditions, leur passion résultant d’un seul et même amour l’un pour l’autre, qui de l’un ou de l’autre a tiré le premier. Pour ma part je considère que c’est une seule et même chose qui s’est désintégrée.
À mon sens, à la lumière des événements fatidiques de Bruxelles, il n'y aurait pas dû avoir un coupable à comparaître, mais deux. Ou mieux, aucun.
Rimbaud, l’insoumis, le réfractaire, le libertaire, en parfait citoyen ordinaire, remit sans sourciller Verlaine à l’autorité policière. Quel paradoxe ! Notre poète, si fou, et lui-même d'une violence avérée, rentre dans le rang, dès lors qu’il craint pour sa vie ? Il retira sa plainte pour agression et blessure, mais il était trop tard, la machine judiciaire était enclenchée et le très rigoureux, mais rusé juge d'instruction belge Théodore t’Serstevens chargé de l'affaire, trouva moyen de contourner la loi pour condamner Verlaine de façon trompeuse.
Une peine lourde de deux années de prison fut requise contre Verlaine et confirmée pour un motif plutôt risible de " coups et blessure ayant entraîné une incapacité de travail ", or à l'évidence, c’est son homosexualité qui fut sanctionnée. Rimbaud, bien que de nombreuses lettres compromettantes aient été retrouvées sur lui, ne fut par contre pas inquiété, probablement à cause du chef d'inculpation retenu qui le plaçait ipso facto comme victime, mineure de surcroit.
Rimbaud n'exprima à aucun moment sa solidarité avec son ami, face à l'acharnement déployé contre Verlaine par le juge. Il préféra à tort ou à raison se taire et rentrer chez lui dans les Ardennes.
Loin de moi l’idée de condamner Rimbaud. Je lui fais ici un procès moral. Je l'estime coresponsable de leur déchéance. Son âge (19ans) ne justifie pas son comportement craintif, comme enfantin au moment des faits, d'autant que ses écrits et prises de position légendaires étaient suffisamment présents pour témoigner de sa maturité d'esprit. Ses violents réquisitoires contre l'ordre établi, particulièrement policier, bourgeois et religieux, attestaient de ses convictions . N'avait-il pas écrit un jour à son ami le professeur Izambard ces mots: " la liberté libre ". Les lettres enflammées adressées à Verlaine quelques jours avant le drame et découvertes sur ce dernier par la police montraient à quel point Rimbaud était épris de lui. C'est encore lui qui ayant imploré son amant de revenir à Londres, d'où il avait justement fui, ira le rejoindre à Bruxelles. Verlaine dans son délire ne lui proposa-t-il pas d’en finir ensemble!
La volte-face de Rimbaud à l'égard de Verlaine s'est produite à Bruxelles par deux fois.
Il y eut ce premier déclic, un changement d'attitude, aussi brusque qu'inattendu, une prise de conscience, quand, ayant reçu la balle tirée par Verlaine dans son avant-bras, il fut amené à l'hôpital par la mère de Verlaine présente dans la chambre voisine et qui accourut tout de suite lors des coups de feu craignant le pire. À l'hôpital on lui fit les premiers soins et on mit son bras en écharpe. Il décida alors de rentrer sur le champ chez lui à la ferme de Roche et se rendit à pied à la gare accompagné de son étrange escorte, Verlaine titubant encore sous l'effet de l'alcool et désespéré de voir Rimbaud le fuir. Le second déclic survint probablement lorsque Verlaine, voyant la gare tout près, fut pris d'une soudaine panique, car il sentit alors qu'il allait perdre définitivement son amant. Il courut alors quelques mètres devant Rimbaud et s'arrêta net, puis se retourna face à lui. Il mit à ce moment-là, hasard ou non, la main dans sa poche de manteau. Rimbaud se vit de nouveau menacé et complètement effrayé se précipita vers un agent en faction non loin pour le dénoncer et quémander protection.
Ainsi finit d'une façon affreusement pathétique une idylle hors du commun qui fit couler beaucoup d'encre.
Que l’on ne se méprenne pas, il ne s'agissait pas non plus de secourir Verlaine, ce dernier était de toute façon condamné, mais d'être honnête avec lui, car enfin, tout le monde connaissait leur penchant, alors pourquoi Rimbaud le laissa assumer seul et publiquement ce qui était et est encore considéré comme une grande honte, une abomination ? Rimbaud, le mineur, n'était-il pas jusque-là le moteur et Verlaine le suiveur de ce couple si improbable ?
C'est le propos que je défends lorsque j'écris plus haut: " Rimbaud n'exprima à aucun moment sa solidarité avec son ami, face à l'acharnement déployé contre Verlaine par le juge", il préféra se taire et alla se terrer dans la ferme familiale à Roche pour asseoir les deniers chapitres sur ses conflits intérieurs qui l'avaient tant fait souffrir jusque-là.
Son attitude et cette soudaine retraite qu'il prit, bien que compréhensibles après ce qu'il venait de vivre, ressemblaient tout de même malgré tout à une fuite et traduisaient à mon sens sa trahison morale à l'encontre de Verlaine . Ce dernier ne lui en tint pas même rigueur et plutôt que de le maudire pour l'avoir fait condamner, accepta même son sort avec humilité.
Mon patron se montra plutôt satisfait de mon travail. L'article parut et eut un bel impact, ce qui augmenta le tirage du journal de façon significative et du même coup mon salaire! Ma chronique largement commentée dans les milieux littéraires eut pour effet de provoquer des débats passionnés dans les cafés et clubs d'échanges littéraires dont notre journal fit largement l'écho.
Vitalie Rimbaud, la mère du poète, n’a pu que se féliciter de la décision de son fils de revenir à la ferme familiale près de Charleville. Son retour, était pour elle le signe, une preuve, de la bonne éducation qu’elle lui avait prodiguée et qui (grâce à dieu !) se manifestait enfin à ce moment crucial de son existence.
Une mère satisfaite certes, mais avait-elle seulement compris ce contre quoi son fils luttait depuis sa prime enfance ? Son refus du dieu omniprésent qu'elle lui imposait assortit des enseignements de l'Église catholique qu'elle inculquait quotidiennement et pour lesquels il avait une aversion féroce? De même l'autorité qu'il subissait comme autant de punitions qu'elle lui infligeait ? Elle ne s'en rendait assurément pas compte .
Écartelé entre passion et raison, Rimbaud fit le choix de renier Verlaine. Sans doute jugea-t-il aussi avoir fait plus de mal qu'il n'aurait voulu, brisant au passage la famille Verlaine.
C'est durant cette année tragique de rupture chaotique qu'il écrira, enfermé dans une anxiété et une détresse extrême, « Une saison en enfer ». Un ouvrage phare, une sorte de testament, où il décrit et traduit tout son mal-être à travers ses échecs et ses désillusions. Ce livre enterra sa première vie, celle du Rimbaud poète et révolté.
Il ne sera d’ailleurs pas publié. Par manque de finances il n'en sera imprimé que sept exemplaires, dont un sera adressé à Verlaine avec lequel il continuait de correspondre, prouvant ainsi combien le lien entre eux restait fort, qu'ils s'estimaient encore.
Une année plus tard, à 21 ans, Rimbaud cessa d'écrire et entama sa seconde vie celle de l'ailleurs, de l'aventure et des périples dans de nombreuses villes d'Europe et qui se poursuivit en Méditerranée puis en Orient et en Afrique.
Une dernière rencontre entre les deux poètes maudits eut lieu à la sortie de prison de Verlaine à Stuttgart où Rimbaud s'était rendu pour un travail. Deux jours passés ensemble scellèrent la fin de leur relation tumultueuse, mais tellement riche pour la poésie française. À cette occasion, Rimbaud lui remit ses textes écrits entre 1872 et 1875, connus sous le titre des " Illuminations ".
Verlaine, sorti de prison et quitté par sa femme Mathilde définitivement, avait également perdu toute notoriété. Il reprit néanmoins sa vie d'écrivain ainsi que les mauvaises habitudes de l'alcool. Il sut à la longue néanmoins, grâce à son génie de l'écriture, revenir sur le devant de la scène littéraire, reprenant sa place dans le Parnasse (mouvement poétique) auprès des écrivains et poètes influents du moment . Il publia même des poèmes de Rimbaud dans un recueil célèbre intitulé "Les poètes maudits ", montrant ainsi à quel point il restait attaché à lui et ses œuvres. On peut aussi y voir un signe d'indulgence et d'objectivité de sa part.
Des années avaient passé sur ces événements et, fidèle au poste, je tenais encore ma chronique littéraire au Figaro.
Il me vint un jour l'idée folle, une envie intuitive, de faire une interview de l'homme aux semelles de vent, comme l'avait surnommé affectueusement Verlaine. Je soumis cette idée au patron du journal et à ma surprise il me donna derechef carte blanche pour un papier avec le titre proposé " la seconde vie d'Arthur Rimbaud", celle de ses voyages et aventures singulières qu'il entreprit après avoir tourné définitivement le dos au Rimbaud poète de sa première vie.
Fini donc pour lui la littérature et la poésie ? Oui, mais non ! À bien y regarder, ce que je me suis aussitôt employé à faire pour développer ma nouvelle chronique, Rimbaud était ni plus ni moins passé du rêve à la réalité. Comme lorsque l'on met une théorie en pratique, lui avait mis ses rêves les plus utopistes en action, à l'épreuve du réel, du concret. Cette quête, cette vie d’aventure qu’il convoitait tant, son "bateau ivre". Ainsi, " l'homme aux semelles de vent ", se mit à la vivre vraiment avec tous les aléas, les risques et dangers de la réalité.
Il parcourut les routes d'Europe, zigzagant d'une ville à une autre, travaillant un temps ici un temps là-bas s'engageant avec plus ou moins de bonheur et d'infortune sur des projets et chemins incertains et poussé par la soif et l'irrésistible envie d'action. Il traversa la Méditerranée, s'arrêta à Chypre puis Alexandrie, et ce fut l'Orient, Aden au Yémen et l'Afrique, en Abyssinie, où il devint négociant à Harar et vécut d'innombrables aventures périlleuses, mais connut aussi la maladie. Rimbaud n’écrivit plus aucune œuvre poétique. Il se limita à la correspondance avec sa famille et ses proches ou encore au courrier touchant à ses affaires. Les descriptions qu'il faisait, lorsque cela arrivait, des gens qu'il fréquentait et des lieux qu'il traversait, n'étaient pas celles que l'on put attendre d'un génie littéraire. Ses missives étaient désormais dénuées de toute forme de poésie, elles étaient au contraire très techniques et commerciales. Je veux néanmoins croire que dans un coin de sa tête, sa muse sommeillait toujours en lui.
" Mon interview me direz-vous ? Oui, j’y viens , plutôt j'en viens. "
En effet, après m'être appliqué à refaire le parcours de sa deuxième vie, je fus surpris de ne plus le savoir à Harar en Abyssinie où j'étais sensé le trouver selon son dernier itinéraire connu, j'appris aussi avec stupeur qu'il se trouvait en France et, devinez un peu, revenu à la case départ, à savoir la ferme familiale de Roche. J'appris par le consulat de France qu'il avait quitté Harar pour rejoindre Aden où l'on avait tenté de le soigner pour une vilaine tumeur au genou. Sans solution, les médecins lui conseillèrent, compte tenu de la gravité de l'abcès, de rentrer à Marseille pour traiter convenablement son mal à l'hôpital. Le voyage jusqu'à Marseille fut un nouveau calvaire de 12 jours. Dés son arrivée on ne put que constater l'ampleur des dégâts, la tumeur était si malsaine qu'on dû l'amputer de sa jambe droite. Sa mère venue le soutenir à son arrivée regagna Charleville et sa ferme de Roche le neuf juin de l'année 1891. Rimbaud mit plusieurs semaines à se rétablir, durant lesquelles il apprit à se déplacer avec une jambe mécanique qu'il fit confectionner. Son moral au plus bas, il quitta l'hôpital de La Conception de Marseille et prit seul le train pour se rendre à Roche et retrouver sa sœur Isabelle.
Je me rendis par conséquent là-bas dans l'espoir d'avoir un entretien même informel avec lui. Devant l'entrée de la ferme, hésitant, je restai un long moment à réfléchir quant au bien-fondé de ma démarche. Après tout je me devais de faire preuve de pudeur face aux souffrances que cet homme traversait. J'allais en fin de compte tourner les talons lorsqu'une dame âgée sortie de je ne sais où, m'interpella, me demandant si elle pouvait me venir en aide. Je reconnus madame Vitalie Rimbaud. Ne voulant pas l'effrayer inutilement, je ne me présentai pas comme journaliste, mais en tant que représentant d'une maison d'édition qui souhaitait mieux faire connaitre les œuvres de son fils. " Vous tombez mal mon cher Monsieur, mon fils étant de nouveau bien mal, ma fille Isabelle est repartie avec lui pour Marseille où il sera soigné. Si vous tenez à le voir et si vous en avez les moyens, il vous faudra vous rendre là-bas " puis elle ajouta avant de repartir, " Il serait sans doute heureux qu'on accorde quelque attention à ses écritures, qui datent tout de même maintenant ."
Ses écrits dataient en effet, mais étaient devenus cultes et le sujet, lui, particulièrement brûlant. En conséquence, je pris le parti de rentrer à Paris pour organiser au plus tôt une rencontre avec Rimbaud.
Une semaine plus tard, je me tenais devant ce lit d'hôpital où gisait un homme méconnaissable, amaigri, rongé par la maladie, pris dans la spirale irrémédiable d'un coma éveillé, divaguant et prononçant des chapelets de mots et de phrases incompréhensibles. D'une voix à peine audible, il semblait poursuivre une sorte de discussion avec lui-même, puis sombrait de nouveau dans l'absence. Son état s'était terriblement empiré et tout espoir de guérison définitivement perdu, sa survie n'était plus qu'une question de jour ou d'heures.
Près de sa sœur Isabelle , c'est en témoin attristé et non plus en reporter qu'il m'a été donné d'assister à des moments dramatiquement historiques de la fin de vie d'Arthur Rimbaud.
Il abandonna ce monde en partance pour son ultime voyage, céleste celui -ci.
Quelques jours plus tôt, Rimbaud avait appelé l'aumônier pour lui confier s'être réconcilié avec lui-même et dire la nécessité qu'il ressentait de remettre son âme à dieu, l'ayant dans sa deuxième vie lavée des souillures de la première qui l'avait privé de croire en l'éternel.
*****
Une affaire de générations
Moi, de mon temps !
Et vous, du vôtre, vous aviez quel temps ?
Vous avez 10, 15 ou 20 ans d'écart d’âge vis-à-vis de ceux ou celles qui vous précèdent ou vous succèdent. D'après vous, la différence d'âge peut-elle, engendrer et être à l'origine, de points de vue fondamentalement opposés sur les questions sociétales, aussi cruciales que ses mœurs par exemple, son économie, ses institutions et ses valeurs en général ?
Est-il possible que la société, l’institution dans laquelle vous vivez ait évolué si rapidement que les idées que vous avez acceptées et adoptées à un moment de votre existence soient complètement obsolètes, dépassées ? Peut-être ont-elles même disparu avec ceux-là qui les avaient un temps appuyés et répandus ?
Vous les aviez tellement défendues, supportées, au point de ne plus changer ne serait-ce qu'une virgule à la magie de la formule de l’époque et qui forgea durant le laps de temps qu’on nomme " SA" génération, la plus cohérente des visions de société ;
Tout ce qui était avant : bah ! Rien de bon !
Tout ce qui est venu après : bah ! Rien de bon !
Comment se fait-il qu’une "Formule magique" surgisse à chaque nouvelle génération et soit accaparée et aussitôt entonnée par la jeunesse puis jalousement défendu et reprise inlassablement par ces derniers, comme la meilleure et la "Seule" des solutions viables qu'ils conserveront à l'esprit toute une vie durant ?
L’évolution due à l’âge : de 15 à 20, de 20 à 30, de 30 à 40 ans, etc. Induit-elle inévitablement un différend générationnel latent ? Il faut constater que oui.
Devient-on obligatoirement "sectaire" dès lors que l’on passe d’une tranche d’âge à une autre ? Imbécile ? Fainéant d’esprit peut-être ? Au point de ne plus chercher de voies nouvelles, d'autres issues ?
Ou bien s’accommoderait-on des acquis péniblement ingurgités, et les maintiendraient comme fil conducteur, pour ne plus avoir à se creuser la cervelle ? Rechercher sans cesse des solutions adaptées à un Univers qui, qu’on le veuille ou non, est en perpétuelle mutation.
Il y a 100 ans, vous n’étiez pas né, moi non plus. À cette époque, des gens soutenaient aussi des idées, se battaient pour elles, mouraient pour elles.
Comment pensez-vous qu’ils nous jugeraient, quel regard porteraient ces hommes sur nous ; les jeunes de 85, de 70, de 60, de 50, de 40, de 30 de 20 ou de 15 ans, qui nous nous plaignions, en l'absence de guerre sur notre territoire, de notre société insuffisante, voire inhumaine, alors qu'en comparaison la leur était mille fois moins suffisante, plus dur et cruelle ?
Allez, dites-le ! Nous ne sommes que des hommes avec nos ignorances, nos aigreurs, nos oublis et notre satanée « vanité » à toute épreuve.
Mais par-delà cette provocation pertinente ne se cache-t-il pas une vérité toute bête et humaine, quelque chose qui s’appellerait tout bonnement « la peur du changement ».
En effet, après s’être forgé durant sa jeunesse une conception personnelle de la société, fixé les idées sur un mode de vie, s’être en somme "approprié son temps" jusqu’à l’âge adulte, le changement, le saut dans l’inconnu quelques décennies plus tard « fait peur »
La société dans laquelle se débute une vie d’adulte et sur laquelle se construit une existence, un foyer, en fonction des réalités et données socio-économiques du moment, tous ces fondamentaux doivent rester en l’état, sans quoi c’est le néant. L’absence de structure, de visibilité, à dire vrai de ses propres repères, devient dangereuse. L’improvisation, l'aventure vers un autre modèle s'avère majoritairement pour cette génération-là inacceptable !
Tout revoir, accepter de tout repenser alors que la société vous a façonné pour fonctionner selon le schéma de « votre époque », de votre génération en somme. Pas simple de s'orienter autrement, de faire fi tout ce que vous avez bâti, ayant opté son orientation par rapport aux optiques économiques et financières en vigueur dans le système tel qu’il se présentait au moment du choix de vie, liée par exemple à un investissement ou prise de crédit.
Certains anciens ont connu sous un Premier ministre nommé Raymond Barre, une inflation à 14 % ! Une situation qui mena aux blocages des salaires et des prix. Comment construire son avenir, sans voir et tenir compte des réalités de son époque, et comment se défaire du schéma par la suite lorsque les choses évoluent tout autrement ? Les périls vécus dans les jeunes années d’adulte restent gravés et reviennent en mémoire chaque fois que l'on vous affirme que CELA ne peut plus se produire… et c’est bien entendu la " génération qui suit " qui prétend cela à ceux qui ne sont pas du même monde, plus dans la course, ne jouent pas dans la même cour !
N’est-on pas inquiet lorsque notre inflation flirt aujourd’hui avec les 3 % ?
Les dangers disparus de nos jours de notre société pourraient bien réapparaître pensent les anciens ! La crainte de l’inconnu les fait se braquer contre tout chemin nouveau qui souvent pour eux, sent le réchauffé.
Force est de constater que les idées novatrices qui apparaissent à chaque génération comportent des zones d'ombres et des incertitudes que les jeunes gens, auxquels elles sont destinées, bravent et adoptent sans soucis, ne se doutant aucunement de ce qui peut advenir d'elles, lorsqu’ils auront eux-mêmes atteint la fameuse "limite d’âge générationnelle " et seront confrontés à leur tour aux théories de nouveaux jeunes gens qui frappent à la porte du changement.
À toujours vouloir pousser l’autre hors du cercle, à prôner le chacun son tour de dire ce qui est bon et ce qui est juste, quelle est la peur, le besoin de pouvoir qui habite l’homme ?
Que les choses se passent ainsi, est-ce pour éviter qu’il ne se passe justement plus rien ? Puisque dans ce cas personne n'entreprendrait plus et ne croirait plus en quoi que ce soit. Imaginez un instant qu'il n'y ait soudainement plus de perspectives, plus d’horizons ni voie directrice et dans le même temps toute une jeunesse qui se refuserait à suivre le programme unique « la formule magique » des anciens ! Cela vous rappelle certains régimes, n'est-ce pas.
Quels beaux conflits de générations cela engendrerait !
Force est de constater que la gent féminine n’a pas connu le même itinéraire générationnel que la gent masculine pour raisons évidentes de dominance des hommes dans les rouages de la société, qui maintint le rôle de la femme à celle de compagne et mère au foyer, au second plan diraient les féministes. Fort heureusement leur statut évolue vers la parité, c’est le cas tout du moins dans nos pays occidentaux.
Lorsque dans leur bouche vous entendez « De mon temps », ce n’est jamais pour vous dire que c’était un temps béni !
Il va de soi que ces conflits générationnels ne sont pas le seul apanage des gens dits intégrés dans la collectivité. À des degrés divers, les marginaux ne sont pas étrangers à ce phénomène humain de rotation-basculement périodique des idées et des théories, car ils ont eux aussi en leur temps fait des choix et assis leurs valeurs et convictions, mais ont dû s'y exclure volontairement ou malgré eux.
Une exception néanmoins offre toutes générations confondues matière à discussions et partages intemporels, l'Art, dont je ne parle pas sciemment dans cette chronique, car sa place est à part et possède justement l’art de se jouer des siècles. Tout est possible ici et à n'importe quel âge, quelle que soit la génération.
La musique est un bon exemple ; il n’y a pas de sujet plus cosmopolite et qui fasse autant l'unanimité entre les âges. Mozart ne s'est jamais autant joué. De Bach à Debussy une transition qui se vit sans effort. Tant d'autres virtuoses et de sonorités en tous genres, passées et contemporaines, écoutées et utilisées encore et toujours, au XXI siècle.
La société humaine serait bien inspirée de prendre exemple sur l’art pour favoriser ces passerelles qui manquent tant entre les générations. Mieux évoluer et vivre ensemble, pourquoi ne pas en faire l'Art Nouveau.
J’habite une cité
J’habite une cité ouvrière où il n’y a plus d’ouvriers
Peuplée d’employés, de prestataires et d’associations
Aussi utiles que futiles. Bref, ça chôme dur dans la cité.
Inutile de chercher les métiers qui firent sa réputation,
La mécanique générale, le textile, l’électricité
De l’histoire ancienne, comme ces voitures, à la démolition
J’habite une cité ouvrière où il n’y a plus d’ouvriers
La gouaille des habitants elle –même n’est plus l’habituelle
Elle y a perdu son argotique, les mots venus des métiers
Le Louchebem, le Javanais et sa Lyonnaiserie universelle
Inutile de demander à l’un s’il a passé sa journée à « tourner »
Ou si de trop « fraiser » ça ne l’a pas écœuré d’sa « cervelle »
J’habite une cité ouvrière où il n’y a plus d’ouvriers
L’entraide si familière a fait place aux égoïstes
Dire qu’il n’y a pas plus dangereux qu’un passage clouté
Que peu de jeunes cèdent leur place aux vieux est triste
Dans la cité, donner la main entre voisins était prisé,
S’attendre au coup de main aujourd’hui c’est être utopiste
J’habite une cité ouvrière où il n’y a plus d’ouvriers
Où est le temps des heures sup. 40,50, 60 par semaine
Du travail considéré, des patrons peur que vous quittiez
Qui payaient sans sourcilier ? Rien ne reste pour la graine.
Ainsi rencontre-t-on dans la cité bien plus de gens fatigués
De n’avoir pas travaillé et qui rêvent des heures anciennes
J’habite une cité ouvrière où il n’y a plus d’ouvriers
Disparues hautes cheminées élancées et toits en dents de scie
Ateliers minuscules et fabriques gigantesques imbriqués
Qui formait le cœur et le souffle vivant de cette patrie
Hommes et femmes des campagnes ou de pays étrangers
Bâtir ici une histoire commune dans la peine et l’empathie
J’habite une cité ouvrière où il n’y a plus d’ouvriers
Où autour de machines bruyantes d’où sortaient mille articles
Se forgèrent les élans sociaux et la quête d’un mieux-être espéré
La chute des usines, l’ère des trente glorieuses, la fin d’un cycle
A sonné le glas d’une saga qui dura une centaine d’années
Dos à son passé, elle sert une ultime larme qui de son âme gicle.
Je vais fêter mes 450 ans
Je suis un tout, je suis les Centuries !
Comprenez que je vis le film de notre histoire terrestre
Jusqu’à une fin apocalyptique que j’aimerais voir épargnée
Par des esprits éclairés, emplis d’humanité.
Au jour d’aujourd’hui j’ai été beaucoup lu et publié
Et le serai, je me demande pourquoi, encore et toujours
Sans pour autant être mieux compris... depuis le temps,
La vanité poussant l’homme de pouvoir avant toute chose
À mettre en doute les délires d’une prétendue Prophétie
Et de tout faire pour « diaboliser » le débat sur mes prédilections
Au lieu de considérer leur unique objectif et seul véritable sens
« Prévenir »
Ceux qui gouvernent la planète depuis tous ces siècles
N’ont jamais prédit de catastrophes, mais les ont toujours « apportées ! »
Moi qui ai « prédit » un futur qui se vérifie à travers mes centuries,
Je n’ai jamais été écouté.
Mes Centuries furent publiées il y a 45o ans !
Croyez – moi si vous le voulez
Ils n’ont pas dit leur dernier mot.
*§*
Michel De Notre Dame, le maître à penser de mes Centuries
vécut 62 ans, 6 mois, 10 jours, et mourut à Salon en 1566
<< Une beauté plastique « toute neuve »
Ma belle n'a jamais été aussi belle
Sa bouche est devenue vraie gourmandise !
Liposucées ses paupières et ses joues liftées
Un visage sans rides, sans cernes, elle est exquise !
Ses lentilles lui confèrent un beau regard bleu-vert
Assorti à sa nouvelle couleur capillaire
Que dire de son éclatante dentition fraichement implantée !
Ma belle n'a jamais été aussi belle
Ses implants mammaires, ses seins en poire, ouah !
Et cette substance siliconée, un plaisir pour les doigts
Vous faire toucher aussi du doigt ses nouvelles fesses
Tout en rondeurs, s'y frotter est un régal maitresse !
Après ses liposuccions de la culotte et du ventre
Je retrouve le petit giron plat de ses vingt ans !
Mais vous parler de ses parties intimes serait indécent
Le resserrement tissus et muscles, quel nouvel épicentre !
Ma belle n'a jamais été aussi belle !
Maintenant que me voilà désormais comblé
Ma belle me taquine, le prend de haut
Elle prétend que mon tour est à envisager
Et de m'inciter à commencer au plus tôt
A vrai dire, j'opterais sans doute pour le tout en un
Le ravalement complet en huit jours, j'y suis enclin
Ceux qui le font sont méconnaissables... derrière
J'ai hâte d'avoir mis de côté les deux ans de salaires
Qu'il faut pour me payer enfin mon nouveau fion
Bien entendu, le ravalement intérieur est en option.
Les prix baisseraient paraît-il
Alors, ça vaut le coup, non ?
Ça ne vous tente pas ?
Vous avez dit « SUR -MEDIATISATION »
Même si vous ne lisez pas les journaux, ne regardez pas les journaux télévisés et n’écoutez pas les nouvelles à la radio, soyez sans crainte ; les nouveaux Médias, Les Réseaux sociaux en tête, votre famille, vos voisins et vos amis se chargeront de vous tenir au courant au jour le jour, heure par heure de ce qui se passe.
Que vous le vouliez ou non, vous saurez tout sur tout ! De la dernière grève, du dernier scandale, financier, politique, du nombre de voitures vendues, TRÈS important pour vous !
Vous saurez tout de la brune, de la blonde, et surtout on vous ouvre la porte à tous les bruits de chiotte de cette pègre mondaine qui focalise, que dis-je magnétise, gave et conditionne le bas peuple sur ses petits bobos, ses grands amours, feints ou pas, entendus ou pas avec les organes de presse et les médias de tous acabits et qui font de notre société une vaste zone de « peoplelisation » traduisez « d’abrutissement de masse ». Une zone, où l’on trouve dans la grande gamelle AFP et les torchons en tous genres, la vraie vérité, la même que le voisin d’en face, mais qu’on se croit obliger de colporter toute la sainte journée à son prochain, car il n’y a pas de raison : on est peut être con, mais il faut que tout le monde le soit !
Le problème est que le lendemain, c’est le cas la plupart du temps, il faut se préparer à détruire ce qui a été dit la veille et raconter tout l’inverse le cas échéant, tant l’amas de conneries et les tissus de mensonges avalés et propagés la veille étaient énormes.
Qu’à cela ne tienne ! On vous en met une nouvelle couche sans se préoccuper de vous faire passer pour un c ……..puisque vous l’êtes déjà !
La surmédiatisation est si évidente, mais cependant royalement ignorée par tous les journalistes qui se prennent pour de grands chevaliers investis d’une mission impérieuse de vous informer en continu. En fait, c’est de votre faute si on vous gave. Vous zappez d’une chaîne à l’autre, lisez un autre journal et on vous sert encore et encore la même nouvelle trente-six fois par ….Heure, au nom de la liberté d’informer. Ne devrait-on pas les appeler « animateurs » aujourd’hui, ces cabotins de l’information qui ne savent ni ne veulent vérifier, chercher, investiguer, mais qui de répéter bêtement toutes les heures, au mot près, la même info de l’Agence France Presse que les collègues des boutiques voisines, suffit à leur bonheur de journaleux ?.
Que dire des très déontologiques patrons de presse et des instances Audio-visuelles, investis de leur haute et impérative « mission » vis-à-vis de leurs lecteurs-spectateurs, qui sont naturellement en « Droit » d’attendre une bonne information régulière!
Sondages, statistiques, avis de spécialistes, de psychologues; de consultants par-ci et de consultants par-là, le journaliste ne vous épargne rien pour vous apporter la nouvelle la plus VRAIE et quand il le faut il vous en rajoute. Être le plus précis possible même dans l’erreur, dans le bidon, dans la farce, pourvu qu’il vous monopolise le temps de faire bouger l’audience (n’oublions pas, il joue sa place). Le temps d’un écran de PUB, disent-ils hypocritement, et nous reprendrons le sujet DÉLICAT du jour.
Le nombre de kilomètres de bouchons cumulés, ça , ça vous parlent non ? ! Si ce n’est pas de l’info ça, je ne fais plus partie du JT ! Dire qu’avant, le kilométrage à l’entrée et à la sortie de certaines villes ou des péages d’autoroute réputés difficiles nous suffisait !! Aujourd’hui, il faut grimper vers d’autres sommets, trouver d’autres superlatifs. Le choc de l’image auquel on ajoute l’imaginatif, quelque chose qu’on ne voit pas, mais qu’on imagine très bien. Vous dites impressionnant, sachez que ce n’est plus suffisant! Faut trouver de quoi nous faire mouiller le bénard, rien qu’en y pensant ! 800, 1000, 2000 km de bouchons !
Les statistiques leur évitent de se creuser les méninges. Là aussi on ne vous loupe pas, quitte s’il le faut, à vous en sortir une deuxième la semaine d’après qui dira strictement le contraire, histoire de vous donner la claque sur l’autre joue. Et alors ? Faut informer, y a plusieurs Instituts , le droit de réponse existe. Faut relayer l’info, c’est notre boulot …de facteurs !
Ah, les statistiques ils adorent vous les livrer en pâture, vous foutre la trouille, le bourdon pour la journée. Vous rendez-vous compte que votre moral est comptabilisé mis en statistique et vous est servi tous les matins. Ah, le moral des Français, des Parisiens en particulier, surtout si le temps au-dessus de la Capitale est morose. ! Manque de bol , ce n’est jamais bon pour vous, vous l’avez dans les chaussettes et n’avez personne pour vous le remonter, surtout pas le journaleux qui le plus sérieusement du monde vous livre ce scoop matinal puis, sans état d’âme enchaîne : « Passons à la guerre en Tragikistan et retrouvons là-bas sur place notre envoyé spécial retranché dans le Hilton de la ville avec ses autres confrères occidentaux » « Bien sûr nous allons vous tenir informés heure par heure du développement… »
On vous fait battre des records : d’écoute, d’entrées, de nombres de morts et de blessés.
Et c’est la première fois ceci et c’est la première fois cela- bla bla bla. Ce n'était plus arrivé depuis 50 ans, incroyable, Tenez, à lire en ce moment :
Le film « Bienvenue chez les Ch'tis » de Dany Boon ne battra pas le mastodonte américain « Titanic »
Mais heureusement, on a battu notre film jusqu’alors fétiche et autrement plus drôle qu’est « La grande Vadrouille » c’est bien, c’est Bien, c’est BIEN ! On peut enfin tourner la page. Quant au contenu, ce n’est pas le sujet, l’Art on s’en moque, non ? Il faut que l’un détrône l’autre : « T’as rien compris toi !» L’essentiel c’est de battre le RECORD !!
Je crois que je suis surmédiatisé, il me faut absolument une aide psychologique. Est-ce que quelqu’un sait où se trouve la « cellule » la plus proche pour mon cas ? Eh oui, il me faut ce support-là, puisque je suis incapable de supporter justement ou de digérer par un travail de compréhension intérieure sur moi-même les travers de notre société. Autant cela est une nécessité, autant l’utilisation de cette aide pour le moindre fait divers, pas forcément traumatisant, en devient ridicule. Mais remarquez comme cela est devenu systématique, une information phare pour les journaleux : « une cellule psychologique a été tout de suite dépêchée sur les lieux du drame » « D’après les premières informations ( AFP canal unique) il y aurait de nombreuses victimes »il s’en suit comme de bien entendu la course au record de victimes habituel : pour les uns 50, pour d’autres 60 pour d’autres le nombre pourrait atteindre les 80, etc.…Toute la sainte journée heure, par heure. Je peux m’imaginer que les habitants du Tiers monde soient parfois abasourdis à voir la façon dont on borde, on assiste, on conseille, on justifie, on délibère, on explique l’inexplicable, alors qu’eux s’en remettent plus simplement à Dieu qui leur guérit les maux mêmes les plus douloureux en quelques prières collectives. En fait, ils ne savent pas que notre rite laïc a ses raisons que la raison ne connaît pas.
Où est donc passée la soif d’apprendre par soi même ? Où sont les successeurs d’Albert Londres, de Joseph Kessel ? Que devient la charte des devoirs professionnels des journalistes français ?
Il y a aujourd’hui moins de journaux et moins de professionnels du journalisme , la crise est aussi passée par là, mais il y a de plus en plus d’informations dues à la main mise des nouveaux médias sur l’actualité : les chaînes télé et les sites web en veux-tu en voilà, sans compter les journaux gratuits ( poste bouche de métro) qui traitent l’information au même titre que les journaux et JT réputés officiels.
La mise en interactivité immédiate de chaque événement d’actualité qui surgit du chapeau AFP se retrouve aussitôt sur les forums et les blogs pour être disséqué par des milliers d’internautes, vous savez ces citoyens spécialistes qui eux aussi veulent mettre leur grain de sel jusqu’à faire déraper parfois une nouvelle tragique vers je ne sais quelle histoire rocambolesque ou abstraite, l’essentiel étant d’échanger, de débattre et surtout d’avoir le dernier mot.
La mise en spectacle de l’information est également la tendance. On nous Britannise ! ( rien à voir avec Britney, quoique !) spécialement sur internet. On vous dirige toujours vers les « articles liés », c’est particulièrement marquant pour l’actualité concernant Sarkosy, les articles liés glissent toujours insidieusement vers Carla B…. puis son dernier album.
Est-ce là de l’info ou un moyen pervers pour faire parler de soi ? Où est la limite, où la déontologie journalistique ?
(Noter en aparté que le programme Word ne reconnaît pas le nom de Sarkosy et propose comme mot de remplacement le plus près Sarcoïde, ça doit faire très mal, non ? )
Il y a la guerre entre les puristes de la profession, qui malheureusement ne donnent pas toujours le bon exemple, et les apprentis journalistes-animateurs du Net qui revendiquent eux aussi la liberté de cette nouvelle forme de presse, sans pour autant proposer un traitement objectif et déontologique des informations, mais plutôt une cacophonie délétère par le biais des forums, un jeu que les Français adorent par le fait.
Tenez, réunissez un groupe de cinq ou six journalistes dits « agréés » , comme cela se fait couramment sur des radios nationales, et faites les commenter un fait d’actualité : « Mais c’est la cour de récréation ! Les étudiants poste 68 qui redébarquent et qui font mu-muse intellectuelle », c’est pathétique tant ils remuent du VENT .
Les journalistes américains ont paraît-il pris conscience des glissements de la profession, de cette Peoplelisation de l’information et proposent d’ores et déjà des collaborations et des cours, aux pseudo-journalistes du Net en particulier, afin que le plus beau métier du monde ne disparaisse pas et laisse libre cours au néant.
Souhaitons leur bonne chance. C’est peut-être encore eux qui vont nous sauver le jour où on appellera
« AU SECOURS ! »
Il faut que je vous raconte...
C'était l'année de mes quinze ou seize ans, en tout cas, l'année où les parents avaient loué la maison du père Pizzera, une bâtisse de village capable d'accueillir notre grande famille. Un sentier, qui partait de derrière la maison, menait en quelques minutes aux berges caillouteuses de la rivière d'Ain.
A cent mètres à peine de là en amont sur la gauche s’offrait une vue imprenable sur l'imposant Pont de Priay, depuis lequel il y'a fort longtemps mon père ,seulement âgé de onze ans, s'amusait à sauter du haut du parapet dans la rivière, entre les piliers, à l'endroit le plus profond, muni d'un parapluie comme fantaisie clownesque.
Mais ça, c'est une autre histoire, je m’éloigne du sujet, la Pêche!
A cette époque là, j'étais un mordu de la pêche. Il faut dire que mon père, le roi de la « petite friture », m'en avait donné le goût vu le nombre de fois que je l’avais accompagné depuis petit.
Ces vacances là allaient être sans conteste toutes vouées à ma passion, l'endroit s'y prêtait à merveille ! Pensez, rejoindre à pied la rivière directement depuis la maison, le rêve !
Le choix de mon matériel était fait. Une canne à fond, une à la passée et un lancé, Avec ça, brochets, truites, ombles et autres barbeaux, chevennes, carpillons et perches n'avaient qu'à bien se tenir ! Sans oublier, les ablettes, goujons et vairons qui sont un régal en friture, hein Papa !
Réveil de bonheur, petit déjeuner, et hop me voilà parti jusqu'à midi. L'après –midi, seulement à partir de 5-6 heures, car les poissons font aussi la sieste avant de s'y remettre ! Le rythme était soutenu, mais que ferait -on pas pour une prise superbe, miraculeuse, rarissime ! QUI n'a pas été abasourdi par la facilité déconcertante d'une prise exceptionnelle, ou n'a pas frissonné devant l'âpreté d'une lutte, et savouré, après de longues heures de patience et de ruse, cet instant magique ou le poisson s'abandonne enfin dans les mailles de l'épuisette ! Ah, la pêche, c'est toute une vision des choses ! Un de mes coins préféré était une belle Lône, sorte de bras retourné de la rivière se terminant en fermoir. Elle se trouvait de l'autre coté du pont vers le versant abrupte de la colline, là où les vipères aimaient à venir se dorer au soleil les après midi d'été. L'eau y était propre et limpide, fascinante comme un aquarium. Juché sur une grosse branche d'arbre qui surplombait la lône jusqu'en son milieu ,muni de mon lancé, j'observais les poissons aller et venir d'un bout à l'autre de ce beau bassin naturel, le ballet sous marin des bancs d'ablettes et de vairons laissait auguré que d'autres prédateurs, plus importants, viendraient à un moment ou un autre se régaler, le tout était de s'armer de patience et de revenir autant de fois qu'il le fallait, ce qui n'était pas une corvée pour moi, tant ce lieu m'étais devenu familier et me captivait par sa beauté et la sensation de mystère qui s'en dégageait. D'ailleurs, ne fallait il pas profiter de cette situation unique, cette Lône éphémère vouée à disparaître aux prochaines crues de la rivière.
La rencontre eut lieu un matin un peu avant 8 heures. Je m’étais posté à califourchon sur ma branche afin de scruter le plan d'eau de long en large. Une authentique lagune se présentait à mes yeux. Impossible de louper le moindre vertébré. Je n'eus pas tout de suite le réflexe, étant encore un peu endormi, de regarder sous mes pieds à l'aplomb de la branche, mais dès l'instant même où cette idée me vint, j'eus un tressaillement si fort que j'en perdis presque l'équilibre tant ce que je voyais était sublime. Il était là sous mes yeux ce pourfendeur de proies, un beau brochet comme rêve d'en voir tout pêcheur qui se respect . Il approchait à vue d’œil bien les 50 cm. Il existait donc cet animal, j'avais trouvé enfin le maître de la Lône, et ça, c'était déjà une belle satisfaction de le constater de visu. Encore tremblant et troublé, la question fusa naturellement à mon esprit ; "et maintenant comment je fais ?" Royal et absolument immobile, j'avais l'impression qu'il m'observait, c'était même sûr.
La peur de mal m'y prendre me tenaillait. Ma canne à lancer, une cuillère et une monture bien trop grosse, tout cela ne m'inspirait pas. Il fallait cependant bien commencer. Je fis un premier essai en lançant la cuillère à une dizaine de mètres devant lui moulinant lentement et revenant jusqu'à un mètre de la bête. Le tournoiement de la cuillère et ses scintillements dans l'eau transparente accaparait l’œil, peut être trop ? Droit dans ses bottes, il ne bougeait pas d'une écaille. Après plusieurs tentatives infructueuses, je résolus de prendre la canne que je montais d'un fil très fin pour qu'il soit le moins visible possible. Le brochet imperturbable était toujours là et ne se préoccupait pas le moins du monde du vif que je tentais vainement de lui faire mordre. La supercherie était sans doute trop voyante pour lui ou l'avais-je énervé avec mes ficelles d'amateur ? D'un coup d'un seul, il fila à une vitesse supersonique au bout de la Lône où il se tapit de nouveau en position du chasseur à l'affût, ou du dormeur, à ne déranger sous aucun prétexte.
Le jour suivant chacun à son poste, moi sur mon arbre lui dans l'eau tout près, en dessous , d'autres ruses d'autres échecs et la fuite classique à l'autre bout du plan d'eau.
Pendant ce temps, alors que se jouait ce face à face impitoyable, plus loin dans les Brotteaux aux berges de terre sablonneuse et d'herbes mélangées, formant des plages agréables pour les baigneurs, ma sœur Viviane devait se faire dorer sur tranche , alors que mes petits frères Serge et Christian faisaient sans doute les fous dans l’eau. Michel, l'aîné, lisait sans doute en écoutant la musique sur le transistor, tandis que notre mère, s'occupait de Johnnie, le petit dernier, déjà bien costaud.Le père, quant à lui , devait être à la pêche ou en train de jouer aux boules.
Il me fallait l’attraper ! C’était devenu pour moi comme une fixation maladive, une affaire d'honneur aussi, alors après une nouvelle matinée éreintante à chasser sans relâche ma proie insaisissable, je décidais de parler de mon secret au père Pizzera, (les pêcheurs n'aiment pas trop partager ce genre de confidentialité) , mais avec lui je me sentais en confiance.
Il me dit : « Écoute petit, tu n'arriveras pas à prendre un brochet de la manière traditionnelle dans une eau aussi transparente, le brochet est très rusé, et voit bien ce que tu veux lui faire avaler ! Par contre il y'a un moyen, que nous les anciens on utilise pour gagner l'affrontement à la lutte régulière, c'est au collet ! »
Le père Pizzera confectionna un lasso en fil de cuivre fin, assez court, l'extrémité du fil était fixée sur un morceau de bois qui servait de manche . Il me prouva l'efficacité du système par une démonstration qu’il fit dans une grande cuvette d'eau, très convaincante. C'était à vrai dire impressionnant, la vitesse à laquelle le nœud se refermer lorsqu'on tirait d'un coup sec sur le manche faisait peur. Il m'expliqua ensuite comment il fallait entrer dans l'eau en avançant le plus tranquillement possible vers le brochet par l'arrière pour se placer tout à tout côté de lui. Le brochet ne bougerait pas assurait-il. Ensuite, il me faudrait descendre le collet tout doucement à une vingtaine de centimètres devant lui face à sa tête, puis le ramener aussi lentement en faisant passer le lasso derrière ses ouïes et à ce moment-là seulement…. tirer vite et fortement sur le collet ! Tout un Art !!
Lorsque j'y repense bien des décennies après, c'est encore et toujours avec une grande jouissance et un brin de nostalgie. Je la revois la bestiole pendue au bout de mon collet ! Quelle Traque, quelle Lutte, quelle Victoire !
Si un jour vous passez par Priay et si vous vous arrêtez sur le pont qui enjambe cette belle rivière d'Ain pour contempler du parapet cette admirable carte postale, dites-vous qu'il y a encore de beaux brochets à chasser et.…des vieux parapluies au fond de l'eau. Pas vrai Papa ?
UN DETOUR PAR BERLIN
« Berlin ist eine Reise Wert » , « Berlin vaut le voyage », disait le slogan publicitaire à l'époque du « mur ».
Il s'agissait de draguer le plus d'Occidentaux possible vers cette moitié de ville (Berlin-Ouest), afin que son économie survive à l'isolement, mais aussi pour que la démocratie reste représentée physiquement dans ce secteur de l'ancienne capitale du Reich occupé par les troupes des 3 pays alliés vainqueurs de la 2e guerre mondiale. Face à eux dans le secteur est, les Russes, leur « allié – ennemi » qui veilla à la mise en place de la RDA : la République Démocratique Allemande. Berlin-Est fut aussitôt proclamées seule et unique capitale par ce nouveau pays communiste, qui devint du même coup partie intégrante du colossal bloc soviétique formé par la Russie qui annexa tous les pays de l'Est qu'elle avait libérés.
« Berlin vaut le détour » scandait l'office de tourisme, sous-entendu, la seule zone libre qu'était Berlin – Ouest, complètement isolé de l'Ouest justement.
C'était peu de le dire, car pour parvenir à cet îlot de liberté perdu au milieu de l'Allemagne communiste et entourée de hauts murs de béton, de mines et de barbelés, il n'y avait aucun autre choix, l'avion mis à part, que d'emprunter l'une ou l'autre autoroute de l'époque hitlérienne, qui permettait de rejoindre Berlin Ouest depuis la République Fédérale d'Allemagne (RFA) et inversement. L'une partait en direction du Sud vers Munich , l'autre vers l'Ouest et rejoignait Hanovre et Hambourg plus au Nord.
Ces deux portions d'autoroutes, environ de 200 km chacune à franchir en pays communiste, étaient de chaque côté des voies et jusqu'aux postes-frontière bordées du funeste « rideau de fer» reconnu pour être quasi infranchissable, tant la surveillance des Vopos ( police militaire – garde-frontière ) et de leurs chiens était étroite. Sans parler de la chaussée elle-même restée telle quelle et jamais restaurée par la RDA depuis la guerre. Qu'elle était un vrai tape-cul n'était rien, s'il n'y avait pas eu ces cratères énormes au milieu de la voie (dus aux effondrements du sol ) et qu'il fallait soigneusement éviter pour ne pas tomber les deux roues dedans. La vitesse était à cause de cela limitée à 40 km heure ! Imaginez le temps que l'on mettait, sans compter les lenteurs zélées aux passages des frontières où souvent on vous épinglé par-dessus le marché pour dépassement de la vitesse autorisée et dont il fallait acquitter l'amende, sans rechigner surtout, payable de suite et de préférence ....en dollars !
Il fallait en vouloir pour choisir de s'établir à Berlin- Ouest. Mais cette petite tâche au milieu du grand paradis rouge, ce pied de nez fait au communisme était osé. Faire vivre et développer une ville dans de telles conditions tenait du miracle et quelque part était excitant à partager.
Pour mille raisons Berlin valut le voyage et notre « détour » au temps du mur dura pas moins de 2 ans pour finir.
Refaire le détour après la réunification allemande dans ces deux villes réunifiées, voir Berlin redevenu libre fut une grande émotion. Nous avons fait ce voyage avec des amis que nous avons connus à l'époque où nous vivions là-bas.
Le plus bizarre était sans doute pour nous de découvrir le centre, car celui que nous connaissions dans Berlin-Ouest du mur n'était pas le vrai centre historique de la ville. Le vrai centre historique et traditionnel se trouvait vers Postdamer Platz situé de l'autre côté dans le secteur communiste dans Berlin-Est. Détruite à 75 %, elle ne fut jamais reconstruite et resta terrain vague après la guerre puis bande – frontière militairement renforcée à l'édification du mur en 1962.
Postdamer Platz est aujourd'hui en pleine reconstruction. Le quartier est redevenu un centre d'attraction pour tous les Berlinois comme pour les touristes du monde entier, les édifices aux lignes et designs très futuristes surprennent et sont à voir absolument.
Autre effet insolite et instants magiques furent pour nous la traversée à pied sous la porte de Brandebourg. S'arrêter sous une des arcades de la porte et photographier son arche procure une sensation de liberté retrouvée qui vous envahit tout à coup, puis vous scrutez de gauche à droite en vous disant simplement « Pas croyable, plus de mur »
La ligne de démarcation où fut érigé le mur décrivait un arc, qui passait à environ 100 mètres de la Porte du côté ouest .
Pour voir « de l'autre côté » les Berlinois libres montaient sur une plate-forme en bois accolée au mur du côté ouest. Ce type de promontoires étaient disposés à intervalle régulier le long du parcours qui séparait les deux Berlin.
« De l'autre côté », à l'Est, se trouvait derrière le mur un « No Mans Land », bande frontière courant sur des kilomètres, miné et semé de barbelés et de croisillons métalliques. Le mur quant à lui , en béton armé et d'une hauteur de 3 mètres, était surmonté par endroits de rouleaux en béton tournant sur eux-mêmes et qui empêchaient tout fuyard de s'y accrocher par les bras pour passer par-dessus. Machiavel n'aurait pas fait mieux. Il est difficile pour celui qui vécut à Berlin à cette époque d'oublier tout cela. Lorsque le mur rencontré un obstacle sur son passage, un bâtiment où immeuble par exemple, voire même un lieu de culte, celui-ci était complètement évacué puis muré. En 1985, les autorités communistes ont même été plus loin en détruisant l'église de la Réconciliation, située sur la ligne de démarcation et qui simplement gênait.
Même coupée en deux parties (sensiblement égales), la taille de Berlin- Ouest, comme celle de Berlin-Est, était immense.
La découverte du grand échiquier qu'est redevenu Berlin donne toute la dimension de ce qu'était cette ville au temps de sa grandeur impériale. Pensez que les voies qui parcourent Berlin en continu d'est en ouest mesurent 40 km !
Ce qui frappe et réjouit aussi, c'est l'absence de Gratte-ciel et la présence d'un poumon vert en plein milieu de la ville dont la superficie impressionne par son ampleur. Elle renferme le plus important Zoo du monde. Les nombreux et grands lacs qui entourent la capitale sont autant de forêts et de bois où les Berlinois se précipitent le week-end et même en hiver, lorsque les plans d'eau sont gelés. Le visiteur côtoie alors des pêcheurs debout ou assis sur des chaises au-dessus du trou fait dans la glace à la façon des Inuits. Il arrivait aussi parfois que les gens se retrouvent sur le lac gelé en minorité face à des régiments de canards et de cygnes qui occupaient ces surfaces glacées en quête de nourriture que les pêcheurs et promeneurs ne manquaient pas de leur préparer.
Berlin de nos jours ce sont des quartiers entiers en construction ou en reconstruction, notamment dans l'ancien Berlin-Est où il y eut très peu d'évolution durant l'ère communiste qui dura 45 ans. Il est vrai que la RDA ne mit rien dans la corbeille de la mariée lors de la réunification en 1990, puisque le pays était à la faillite, comme la majorité des pays de l'Est du reste.
La RDA comptait cependant 17 millions d'habitants qu'il fallut fondre dans la RFA en leur assurant des couvertures sociales identiques aux Allemands de l'Ouest . Une prouesse de plus pour ce peuple. Imaginez que la France ait 17 millions de personnes à intégrer du jour au lendemain !
Le Berlinois, de tempérament jovial, aimant plaisanter et rire, est aussi un tantinet cabotin et râleur, comme peut l'être un Parisien , en somme quelqu'un de sympa !
Le ô combien fameux "Check Point Charlie" des Américains devenu musée, était un poste-frontière pour le passage des véhicules entre les deux zones, situé dans la Friedrichstrasse, rue où se trouve la non moins célèbre gare, nœud ferroviaire où le Métro et le RER communiquaient avec les grandes lignes et qui servait aussi de douane et de passage de frontière aux piétons se rendant à Berlin Est.
Pour l'anecdote , le mur sillonnait entre deux quais. Cette station était le terminus de ligne pour les Berlinois de l'Est, tandis que la ligne de RER de l'Ouest circulait à travers Berlin-Est, ne s'arrêtant cependant à aucune station, décrivant une boucle avant de rentrer de nouveau dans le secteur libre de l'Ouest. Cela donnait l'occasion aux familles qui avaient été séparées par le mur de s'apercevoir et de se saluer sur le parcours, le temps du passage de la rame. Cette station était un endroit particulièrement glauque, pesant et oppressant à la fois. On s'y sentait menacé à tout moment par les gardes- frontières qui ne manquaient pas de zèle dans leur travail d'harcèlement. Contrairement aux Berlinois de l'Ouest, les visites à Berlin-Est étaient permises à tous les ressortissants étrangers qui détenaient un passeport en règle. Il fallait cependant prendre son courage à deux mains pour traverser les labyrinthes puis le poste de douane de la station de Friedrichstrasse, car rien n'était laissé au hasard pour vous déstabiliser, les regards sévères et suspects étaient de mise, l'attente interminable dans un couloir étroit, devant une porte fermée; le vidage du contenu des sacs et des poches, l'épreuve de la fouille et accessoirement l'arrachage de la pellicule qui se trouvait encore dans votre appareil photo, et là, inutile de négocier, le Vopo refusait même le paquet de Gauloises, pourtant très prisé alors.
Aujourd'hui, la gare et les bâtiments de part et d'autre de cette ligne frontière ont été reconstruits. La rue très commerçante et la gare hyper animée ne portent plus les séquelles de son douloureux passé. Il est vrai que bien des malheurs ont endeuillé ces lieux.
C'est bien sûr la découverte du Berlin-Est de maintenant, qui excita le plus notre curiosité et orienta d'emblée nos pas dans les endroits où logiquement les choses avaient dû profondément changé, car de nos visites dominicales angoissantes de jadis, nous en avions gardé le souvenir d'une ville pour partie encore en ruine et par ailleurs ayant adopté pour les nouveaux édifices une de construction typiquement soviétique, de même que les grandes places ...vides de monde.
Vides, comme tous les bâtiments administratifs, musées , bibliothèque, théâtre, opéra, sites historiques et religieux et des maisons bourgeoises qui bordaient la célèbre avenue Unter den Linden ainsi que sur la presqu'île de la rivière Spree. Toutes ces constructions sans toits, éventrés ou éclatés, aux murs criblés de balles et d'obus étaient restées telles qu'elles étaient à la fin de la guerre, l'administration communiste préférait investir des sommes considérables à l'amélioration continuelle des structures militaires de Berlin-Est et à la propagande anti- occidentale tous azimuts. Rien ne se perdait cependant, car ces mêmes ruines leur servaient à tourner des films..... sur la révolution bolchevique ...en décors naturels qui ne leur coûtaient évidemment rien !
La magie est passée par là. La main et l'esprit de l'homme utilisés à des fins pacifiques et pour la beauté des choses ont construit ce Berlin nouveau et qui se façonne tous les jours au gré de belles réalisations avant-gardistes qui vous font écarquiller les yeux d'étonnement et où les surprises sont aux détours des rues et des places jadis si vides et sinistres. Il faut avoir vécu un dimanche sur l'Alexanderplatz, alors communiste lorsque le seul spectacle offert par la ville était invariablement le même : le concert de musique classique exécuté par une cinquantaine de musiciens..... tous vêtus de leur tenue militaire !. Hallucinant, non !
Revoir cette même place, aujourd'hui grouillante de monde qui s'affaire, avec ses grands magasins et en son centre l'immeuble Park Inn, forum qui abrite bureaux, boutiques, cinémas et restaurants, était pour nous une vraie délectation. Tout comme l'était aussi la "Curry Wurst" (spécialité de saucisse au curry) accompagnée d'une vraie Pils à la tireuse, consommée dans un petit bistro traditionnel appelé « Kneipe », à proximité de la station de métro.
La paix est une bien belle chose, n'est-ce pas.